samedi 28 février 2009

mon point de vue sur la censure économique


Voici une interview que m'a le Réseau de la presse arabe (Arab Press Network) à l'Association Mondiale des Journaux (World Association of Newspapers) à Paris, suite à mon article sur la censure économique.



WAN: Dans votre article, on retient que les objectifs mercantiles des journaux conduisent les chefs de rédaction à privilégier des informations « commerciales » ou d'annonceurs, au détriment d'une information dite de « qualité »: Tous les journaux sont-ils concernés (presse politique, presse technique ou spécialisée, et presse grand public)?


Je crois en effet que cela concerne tous les journaux qui sont financés par la publicité, de manière directe et indirecte. Il ne s'agit pas forcément de privilégier les informations commerciales au détriment des autres informations, la "désinformation" se fait beaucoup plus subtilement. il existe plusieurs possibilités: Ou l'on désire remercier l'annonceur et dans ce cas là, on lui accordera une interview, un article ect. qui peut passer avant un sujet "plus important", ou bien on priviligera un annonceur plutôt qu'un autre parce que ce dernier est plus rentable, ou bien et cela arrive souvent aussi, un sujet commercial peut purement et simplement remplacer un sujet d'intérêt général ( famine, épidémie en Afrique) car on estime que celui-ci n'est pas assez vendeur. Quoiqu'il en soit, les journaux pratiquent cette méthode plus ou moins fréquemment et portent atteinte indéniablement à la qualité de l'information mais surtout à notre métier.


WAN: N'y a-t-il pas un cercle vicieux entre la baisse de qualité voire de véracité de l'information et la baisse du nombre de lecteurs ? Que constatez-vous au Maroc ? les lecteurs se plaignent-ils ?


Je ne crois pas que les lecteurs soient moins nombreux, je pense même que la grande majorité ne se doute même pas que la publicité peut être une forme de censure. Pour eux, la censure reste avant tout politique, elle n'est pas économique. Maintenant il est vrai que nombreux sont les journalistes, lassés de ces directives, qui font leur travail sans y mettre du leur. A moins d'être un journaliste économique, devenir commercial quand on a envie de parler de sujets politiques ou sociaux n'est pas très plaisant, et ce n'est d'ailleurs pas notre rôle. Il faut savoir que beaucoup ne se déplacent plus sur le terrain. Ils préférent envoyer des questionnaires et retranscrire l'information telle qu'elle a été transmise et en oubliyant même parfois de vérifier leurs sources. Ce mécanisme de fonctionnement peut en effet avoir des repercussions sur des sujets politiques ou sociaux, car hélas, la procédure pour obtenir des informations est la même. Néanmoins, il faut souligner que dans la majorité des cas, ce manque de rigueur n'est pas due au journalistes, qui pour la plupart veulent faire leur travail correctement, mais à leur direction, qui n'ont pas envie de leur donner les moyens physiques et financiers pour travailler. On préférera qu'ils consulent les agences de presse plutôt que des les envoyer sur place, par souci d'économie. Enfin, il faut savoir qu'au Maroc, la plupart des journalistes sont sous payés, ce qui je crois aussi ne les incite pas à s'investir davantage dans leur métier.


WAN: L'essor de l'information sur le net n'est-il pas une opportunité pour les journalistes marocains pour échapper cette pression négative ?


Malheureusement, comme je l'ai dit dans mon article, cela ne concerne pas seulement le Maroc. Le monde entier est géré pour faire du profit. Et je ne crois pas que le net soit un moyen pour y échapper même si pour l' heure, cela reste une solution très envisageable pour ces personnes. Grâce aux blogs, on peut en effet s'exprimer plus librement mais tout dépend jusqu'à quel point. Il faut savoir que les journalistes qui ont témoignés pour moi l'ont fait anonymement car ils savent qu'afficher leurs idées ou raconter ce qui se passe dans leurs rédactions peut conduire à un licenciement voir à une sorte d'"excommunication" du métier. Et vous savez comme moi, qu'il est très facile de retraser quelqu'un sur internet.


WAN: Comment les journaux internationaux (ou ce qui est appelé les modèles internationaux) ont selon vous réussit à garder leur objectivité ?


Les journaux internationaux ne sont pas plus objectifs que les autres. C'est une illusion. Vous avez des journaux de droite et des journaux de gauche qui vous donneront un point de vue libre mais qui dit point de vue, dit subjectivité. être totalement objectif est très difficile presque impossible. Le monde occidental jouit d'une liberté d'expression qui leur permet plus de manoeuvres c'est tout. Et même si l'économie a aussi un poids considérable dans leur quotidien, ils ont encore conservés leur étiquette de journaliste car ils ont les moyens de couvrir les évènements comme il se doit. On fait la différence entre journaliste, RP, et commercial, qui ont chacuns des rôles bien définis. Maintenant, selon certains confrères européens, la publicité leur fait aussi de l'ombre. Beaucoup m'ont dit qu'ils ne pouvaient parler en mal d'une grande entreprise même si elle était "fautive" dans une affaire à cause des conséquences économiques que cela pouvait engendrer. Ce sont des gens qui ont énormément de pouvoir qui peuvent ruiner la réputation d'un journal ou les traduires en justice. Et bien des fois, le jeu n'en vaut pas la chandelle. Maintenant il existe aussi des rédactions comme Arte qui ont réalisé et diffusé un documentaire polémique sur Mosento, principal créateur d'OGM. Un véritable risque pour la journaliste et sa rédaction lorsqu'on connait le pouvoir de cette entreprise dans le monde.


WAN: Vous évoquez « l'épidémie » pour aborder la désillusion de nombreux journalistes. Comment la soigner ?


Comme je le disais précedemment, il faudrait déjà considérer les journalistes comme tels, définir leur rôle, les laisser travailler et leur en donner les moyens, et mieux les rémunérer (au Maroc en tout cas). Les journalistes ne sont pas des bureaucrates, et nous avons trop tendance à le penser.
WAN: Quelle est la raison de cette situation actuelle ? (Comment est-elle venue à ce degré au Maroc ? Est-ce que c'est un nouveau phénomène ?
Nous vivons une ère de capitalisme sauvage. Loin de moi de tenir des discours pro marxistes, je pense que notre époque nous a fait oublier toutes les valeurs essentielles afin de focaliser sur une seule chose: le profit. Toutes les guerres sont déclanchées dans un but économique, chaque action ou relation que nous développons a rarement un but non lucratif. Si nous suivons cette logique, je ne vois pas pourquoi le journalisme échapperait à la règle, que cela soit ici ou ailleurs. Les vrais journaux libres sont ceux qui s'autofinancent et qui ont une connaissance du droit irreprochable afin de réagir face à toutes les situations. Car les pressions qu'ils subissent de toute part en découragerait plus d'un! Au Maroc, nous commencons seulement à profiter d'une relative liberté d'expression, il faut du temps pour que les choses soient clairement établies et définies. Créer un journal "libre" ne peut être d'actualité dans ces conditions, il faut encore plusieurs générations avant de pouvoir prétendre au statut d'un journal international et encore plus pour être totalement libre de nos actes et de nos paroles.



3 commentaires:

  1. Je vous remercie pour cet article, mais de mon coté je voudrais enrichir le débat en se focalisant sur des exemples concrets. ET là, je revienderais à la presse dite économique locale qui vante les mérites de tel ou tel société cotée. Or il se trouve que le journaliste ne fait que retranscrire les chiffres que voudrait annoncer cette meme société. Aucun calcul de ratios aussi simple soit t'il, aucune comparaison avec le secteur, voire avec les prévisions n'est éfféctuée. Ainsi Alliance développement a enregistré des résultats en hausse, soit, mais les journalises ont omis de rappeler qu'ils sont en deça des prévisions déja établis.

    Il faudrait se pencher sur celà. On ne cesse de le dénoncer et des personnes investis en crée le forum www.bourse-maroc.forume.biz afin d'avoir une idée plus proche de la réalité des sociétes cotées. Comme quoi, c'est le lecteur qui doit faire l'effort de chercher et d'analyser l'information. Le partage de la connaissance sur internet est en mesure de pallier le manque de professionalisme de nos journalistes-salariés.

    Bien à vous.

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  2. Salut Vanessa,

    Je suis tout à fait d'accord avec Bourse-maroc. Je veux aussi faire un commentaire mais je voie que tu n'as pas donné de suite et depuis février aucun article.

    Cordialement

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  3. j'ai eu beaucoup de travail ces derniers temps et beaucoup de changement dans ma vie qui font que j'ai un peu laisse de cote ce blog. navree pour ce contretemps je suis desormais de retour :)

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